Saint Crépin

En partant du Poujol, après avoir laissé quelques belles demeures aux toits de lauzes, la route descend vers St Crépin. Tout près du Château de Lacypierre, on peut admirer l’église du XVIIème siècle, la belle façade du presbytère, ainsi qu’une fontaine du XVIIIème et un calvaire en pierre de taille.

1) Origine du nom de la paroisse

C’est un hagionyme, c’est-à-dire un nom de lieu qui est en même temps le nom d’un saint.

On dénombre 3 500 noms de lieux commençant par « Saint » ou « Sainte » sur les 36 000 communes du territoire métropolitain français.

Ces hagionymes ont bien failli être balayés par la tourmente révolutionnaire en 1793, mais leur enracinement était profond et ils ont vite repris leur place dans le patrimoine linguistique français.

Outre les hagionymes évoquant les douze apôtres, compagnons de Jésus, on trouve les grandes figures traditionnelles des premiers siècles du christianisme, mais aussi parfois des noms de saints tout à fait obscurs, voire même pittoresques, dont il est difficile de connaître l’origine.

Entre légende et vérité, ce n’est pas le cas de Saint Crépin :

Fuyant la Rome de l’Empereur Dioclétien à la fin du IIIème siècle, Crépin et Crépinien, deux frères issus d’une riche famille païenne, convertis au christianisme, s’installent en Gaule du nord où ils se font cordonniers pour vivre de leur travail. Ils parcourent « la Belgique » pour propager la foi chrétienne, mais vers 288 sont arrêtés à Soissons et exécutés.

La violence de leurs martyrs, dont le Moyen-Age ne craignait pas l’invraisemblance, est représentée sur nombre de vitraux et de sculptures et la popularité des deux frères s’étend dans l’Europe entière. Ils étaient fêtés le 25 octobre.

On les trouve évoqués dans une pièce de Shakespeare (Henri V, acte IV, scène III), relatant la bataille d’Azincourt qui eut justement lieu le 25 octobre 1415, date anniversaire.

« … Et la Saint-Crépin-et-Crépinien ne reviendra jamais, d’aujourd’hui à la fin du monde, sans qu’on se souvienne de nous »

( …and Crispin Crispian shall ne’er go by

From this day to the ending of the world

But we in it shall be remambered).

Patrons des cordonniers, des maroquiniers et des tanneurs, saint Crépin et saint Crépinien étaient aussi connus comme saints guérisseurs, on les invoquait contre les tranchées, on appelait ainsi les coliques des jeunes enfants. Etant donné le goût du Moyen Age pour les calembours, on peut penser que c’est à cause du tranchet, l’outil qui coupe les cuirs, avec lequel les saints en question sont toujours représentés.

Sur les sept communes de France du nom de Saint-crépin, auxquelles s’ajoutent les trois du nom de Saint-Crespin, qui ont conservé l’orthographe ancienne, trois se situent dans le département de la Dordogne. Pour quelle raison, ces saints martyrisés à Soissons au IIIe siècle ont-ils fait l’objet d’un culte aussi populaire en Périgord ? Nous ne le savons pas.

Aucune église n’est consacrée ou même bénite sans être placée sous le vocable d’un titulaire, qui peut être un saint ou un mystère. Par contre, on donne le nom de « patron » au saint qui a été choisi pour être au ciel le protecteur particulier d’une ville ou d’un village. Les saints Crépin et Crépinien furent à la fois titulaires et patrons et vénérés comme tels jusqu’au XVIIe siècle. On leur préféra après saint Martial, premier évêque de Limoges au IIIe siècle, fêté le 30 juin. L’église de Saint-Crépin a une chapelle saint Martial et une chapelle Saint Jean.

Jusqu’à la Révolution, l’église de Saint-Crépin relevait du diocèse de Cahors et dépendait de l’archiprêtré de Gignac en Quercy, bien que juridiquement, administrativement et fiscalement toute l’étendue du territoire soit dans la province de Périgord.

La paroisse était de collation épiscopale (c’est-à-dire que c’était l’évêque de Cahors qui nommait les curés), elle valait 100 livres de revenus à la fin du XIIIe siècle.

La plus ancienne nomenclature des églises de Cahors que nous savons avoir existé est le compte des décimes levés dans le diocèse en 1526. L’église de Saint-Crépin est cotisée à 10 livres, ce qui est relativement important, au regard de l’église de Salignac qui n’est cotisée qu’à 6 livres, de même que l’église de la Bienheureuse Maria de Carluceto, 6 livres. Ces décimes étaient levés sur les bénéfices ecclésiastiques.

2) L’église au centre du bourg

L’église de Saint Crépin

Dans les paroisses du Périgord, aux groupements villageois dispersés, la notion de bourg est indissociable de l’église qui est l’âme de la communauté, même si le bourg n’est pas nécessairement plus peuplé que les villages des environs. La vie était ponctuée par la cloche appelant soit à la prière, soit au rassemblement. Toutes les décisions communautaires se prenaient dans des réunions qui se tenaient devant le porche de l’église. Le curé en était le personnage central qui assurait, outre le gouvernement spirituel de sa  paroisse, la célébration du service divin, l’administration des sacrements, l’instruction des paroissiens par la prédication et le catéchisme, mais aussi la tenue des registres de baptêmes, mariages et sépultures, l’annonce des grands évènements nationaux, comme des plus petits faits divers et l’assistance aux pauvres à domicile.

Les curés de Saint-Crépin sont des bénéficiers, c’est à dire qu’ils ont été pourvus d’un  bénéfice à charge d’âmes, ce qui leur donne une grande liberté dans l’administration de leur cure, cependant les biens d’église étant sacrés, ils ne leur appartiennent en aucune façon, ils doivent rendre des comptes à leur départ (décès ou déplacement). Percevant les grosses dîmes (grains et vin), ils sont tenus de participer aux réparations de l’église avec l’accord et l’assistance du conseil de fabrique, groupement de paroissiens élus annuellement par l’ensemble de la communauté pour gérer avec le prêtre les biens de l’église. Ce conseil est représenté par le syndic fabricien.

Situé au centre du bourg, lui-même lové au creux d’une combe, l’église de Saint-Crépin est adossée à une barrière rocheuse, aujourd’hui arbustive, ce qui l’affecte, d’une humidité chronique, maintes fois déplorée par ses desservants. Malgré de nombreuses modifications, elle a conservé l’essentielle de son architecture  romane.

St Crépin – Les portes de l’église

La nef, presque entièrement remontée au XVIIe siècle, n’est pas voûtée mais plafonnée de bois à poutres apparentes. Elle est flanquée sur les deux tiers de sa longueur, de quatre chapelles latérales voûtées en berceaux brisés transversaux, communiquant entre elles par des passages en pleins-cintres.

Un arc aigu donne accès à l’avant-chœur rectangulaire, encadré au nord et au sud d’arcs en pleins-cintres, et plafonné de bois.

L’arc triomphal brisé marque le début du chœur rectangulaire, surélevé par deux marches et re-voûté au XVIe siècle d’ogives qui retombent sur des culs de lampes très sobrement sculptés. La clé de voûte est aux armes des Salignac.

Un haut clocher barlong s’élève au dessus de l’avant-chœur, percé en son sommet de larges baies campanaires. Cet espace abrite deux cloches. Toutes deux ont été inaugurées en 1862 sous les pastorats de l’évêque Charles Baudri et du curé Ferrière, en présence du maire Jean Rouffignac. La plus grosse pesant 750 livres, eut pour parrain Constantin Muzzi et pour marraine Anne Nouvion (épouse Malbec), elle est aujourd’hui hors de service étant fêlée. La plus petite, pesant 360 livres eut pour parrain Edouard Malbec et pour marraine Jeanne Muzzi (née Rouffignac), les ateliers Paintendre et fils, à Turenne, en furent les fondeurs.

Au deux tiers de sa façade, le mur du clocher a été percé au XVIIe siècle de deux hautes baies rectangulaires symétriques et rapprochées, aujourd’hui murées, entre lesquelles on peut lire la date de 1621.

Eglise de Saint-Crépin

Les apports du XVIIe siècle sont fréquents dans toutes les églises, souvent malmenées pendant les guerres de Religion et restaurées et embellies au cours de ce que l’on nomme la Renaissance Catholique consécutive aux réformes de Concile de Trente. L’église de Saint-Crépin n’échappe pas à cette règle, mais révèle, en outre, d’innombrables reprises postérieures, notamment la chapelle nord et la façade, presque entièrement remontée au XIXe siècle, cette dernière avec un curieux mélange de moyen et petit appareil.

Anciennement recouvertes de lauzes, seules les toitures de la nef et des chapelles ont conservé ce superbe matériau. En 1932, le toit à quatre pentes du clocher et celui du chœur qui présentaient des désordres, furent délauzés. Pour un prix, nous a-t-on assuré, plutôt supérieur à celui du lauzier, le conseil municipal de l’époque, opta pour une couverture en éverite (sorte de fibrociment amianté imitant l’ardoise), il fallait bien sacrifier au modernisme et à la nouveauté. La couverture de l’église a été à nouveau refaite en 2019, le clocher recouvert en tuiles anciennes.

3) Mobilier et Ornements

A l’intérieur de l’avant-chœur et sur les murs des chapelles sud, on devine les traces d’une « litre funéraire » et les vestiges bien effacés d’un écusson portant des traces de couleur rouge, mais qu’il est impossible d’identifier avec certitude. Le droit de litre, remontant à la féodalité, permettait au seigneur du lieu de faire peindre à l’extérieur ou à l’intérieur de l’église qui était dans sa mouvance, une large bande noire avec ses armes, lors de son décès.

Saint-Crépin ayant toujours été dans le fief des Salignac et en fonction des traces de couleur encore visibles, nous pouvons tenter une explication : ce ne sont assurément pas les armes des Salignac qui sont d’azur à trois bandes de sinople (vert), mais peut-être celles des Gontaut, qui leur ont succédé à partir de 1545 et jusqu’en 1653, qui sont écartelées d’or et de gueules, c’est-à-dire rouge.

Une cuve baptismale a été logée dans l’épaisseur du mur de la façade occidentale, tandis qu’une tribune en bois, datant du XIXe siècle, est accessible par un escalier en colimaçon.

Le retable en bois sculpté, doré et polychromé, avec ses urnes reliquaires du XVIIIe siècle, dédié au Sacré Cœur, est une pièce assez remarquable qui va faire l’objet d’une sérieuse et savante restauration. Les panneaux dorés figurent : à gauche Jésus jouant avec Saint Jean Baptiste, du côté de l’épître, c’est le baptême du Christ, et sur la porte du tabernacle, le Bon Pasteur.

La chaire en bois de noyer semble dater de 1857, époque où le curé Ferrière prit possession de la cure.

Les vitraux sont tous du XIXe siècle. Ils représentent, en tournant de la droite vers la gauche :

  • Saint Marc (don de l’abbé Lorblanchet)
  • Saint Joseph (don de la famille Malbec)
  • Saint Martial, Ier évêque de Limoges, placé au centre du chœur (don de la famille Archambaud)
  • Saint Crépin, au nord, avec sa palme des martyrs
  • Saint Jean l’Evangéliste, avec les attributs du livre et de la coupe d’où sort un serpent, (symbole du mal) dans la chapelle gauche, (don de l’abbé Antoine de Molènes.)

(Article tiré du texte écrit par Mme Annick LEBON-HENAULT pour le bulletin municipal 2016/2017)

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