La commune : des chiffres et des lettres

Saint Crépin-et-Carlucet, commune de la communauté de communes du Pays de Fénelon et du canton de Terrasson, paraît originale et paradoxale : un certain essor démographique, une agriculture active s’appuyant sur l’agrotourisme, une commune rurale classée « touristique ». Cette partie de Dordogne a connu une longue période d’exode rural jusqu’aux années 1975-80. Depuis plusieurs décennies, le déclin démographique est stoppé : quelques points du Périgord noir deviennent terre d’accueil. De nouveaux habitants proviennent du Nord de la France, de l’Ile-de-France, d’Angleterre, de Belgique et des Pays-Bas. Ce sont aussi bien des actifs que des retraités ; ils répondent à un héliotropisme relatif qui donne à l’ensemble du Sarladais un fort pouvoir d’attraction, en plus de la qualité de vie qu’on lui accorde généralement.

Ainsi il y a encore 20 ou 30 ans le Salignacois juché sur les plateaux (250-300 mètres) entre les grandes vallées de la Dordogne et de la Vézère, situé entre Sarlat, Montignac-Lascaux et Souillac, faisait figure d’angle mort.

Dès les années 2000, la conjoncture est devenue plus favorable. Avec ses caractéristiques propres, ce territoire s’engouffre dans la modernité, non point sans quelque hésitation.

A – Une population, un nouveau dynamisme

Saint Crépin-et-Carlucet comptait au dernier recensement INSEE de 2017, 520 habitants (évaluation à 536 habitants en 2020). La population est en hausse depuis près de 40 ans. A partir de 1982, la commune a gagné 210 habitants et l’augmentation de la population continue.

Population en historique depuis 1968 

Depuis les années 1970, les caractéristiques démographiques ont bien changé.

Jusqu’en 1982, le déficit naturel a effectivement été compensé par des arrivées de population : l’excédent des entrées sur les sorties de population est de +9,4% entre 1990 et 1999 (Sur la mise à jour des listes électorales (début 2001), on relève 44 « arrivées dans la commune » contre 12 « sorties », et ici ne sont concernés que des adultes).

Depuis 1982, il est par contre compensé en grande partie par un taux de natalité supérieur à celui de la mortalité.

Indicateurs démographiques en historique depuis 1968

Et la tendance a perduré ces dernières années.

Naissances et décès domiciliés depuis 2014

La répartition des jeunes et des « séniors » est originale par rapport à celles de l’arrondissement de Sarlat et du département de la Dordogne. Les jeunes sont nombreux dans la commune : 105 de 0-19 ans en face des 41 personnes de 75 ans et plus. Et le poids relatif des personnes âgées et des jeunes est équilibré (29,5% contre 26%).

Population par grandes tranches d’âges

La population active se répartit dans un rapport assez proche, 105 femmes et 129 hommes.

Statut et condition d’emploi des 15 ans ou plus selon le sexe en 2017

Le taux de chômage est inférieur à celui enregistré pour la Dordogne (11,7% à Saint Crépin-et-Carlucet contre 14,1% en Dordogne).

Chômage (au sens du recensement) des 15-64 ans

Enfin, 136 personnes vont travailler en dehors de la commune (58,3%, essentiellement à Sarlat.

Lieu de travail des actifs de 15 ans ou plus ayant un emploi qui résident dans la zone

Au-delà de ces faits démographiques, nous pouvons constater que la propriété foncière est traditionnellement très émiettée à Saint Crépin-et-Carlucet et qu’elle est loin d’être figée sur une longue période.

Après la seconde guerre mondiale, les structures foncières sont bouleversées par l’exode rural. Les résidents sont désormais moins nombreux. Mais les non-résidents issus de la commune avaient gardé ou gardent les parcelles en héritage. Depuis une vingtaine d’années, avec les retours au village des originaires de Saint Crépin et les achats de terrain des gens de l’extérieur (ou de l’étranger), le nombre des résidents ont augmenté de nouveau.

La nouvelle répartition de la propriété foncière confirme le réel décrochage entre les superficies destinées à l’activité agricole et la simple appropriation de parcelles acquises ou conservées pour une construction à venir ou déjà bâtie. La moitié des propriétés a moins d’un hectare. Les propriétés susceptibles de constituer une exploitation de 20 hectares au moins comptent pour à peine 10% du total.

En trois décennies de nouvelles formes d’organisation spatiale se sont imposées (comparaison de deux éditions des cartes IGN au 1/25.000e (Sarlat, 1969 et 2000). A un habitat agricole dispersé en hameaux se surajoutent des zones résidentielles récemment édifiées. Aux granges anciennes, on a juxtaposé des séchoirs à tabac, des silos, des bâtiments d’élevages industriels ou semi-industriels. A côté de gîtes ruraux reprenant les anciennes granges, de nouvelles habitations sont construites par les agriculteurs ou par les néo-ruraux. On assiste à une imbrication des fonctions résidentielle et agricole. La commune comprend 399 logements (INSEE-2017) : 236 résidences principales et 137 résidences secondaires (34,3% du total).

Évolution du nombre de logements par catégorie en historique depuis 1968

Le parc des logements est plutôt récent. Pour les seules résidences principales, 65,9% ont été édifiées depuis 1971 (contre 52,9% dans le département). L’habitat communal a donc évolué très rapidement en 50 ans.

Résidences principales en 2017 selon la période d’achèvement

Depuis les années 1980, une nouvelle géographie de l’habitat s’est mise en place. Jusqu’à présent, Saint Crépin n’avait pas de centre. La mairie a rejoint l’école fin des années 1980 mais elle reste distante des 2 églises de Saint Crépin et de Carlucet. Le « vide » autour du périmètre du Poujol s’est rempli de demeures de prestige ou de pavillons neufs (dont un lotissement). Des activités non agricoles ont trouvé leur place : salon de coiffure, entreprise de menuiserie,  vaste camping et très bientôt une boulangerie traditionnelle. Les hameaux de la périphérie ont vu apparaître toutes sortes de construction : « village de gîtes », village de vacances, logements individuels, gîtes de caractère.

C’est dans un tel climat de mobilité et de modernité constructive que, en moins de vingt ans, la production agricole a redéfini ses contours dans une démarche de diversification et que l’activité touristique a stimulé commerce et services de la commune.

B – Un espace rural aux ressources davantage valorisées

Le paysage « naturel » est majoritaire dans la commune de Saint Crépin-et-Carlucet avec 51% de la superficie totale. Les futaies et taillis de châtaigniers et de chênes dominent à 98%. Le taux de boisement est conforme à ce qui fait l’image et la notoriété du Périgord noir (Signalons au sud de la commune (Marcès, Haute-Serre) une situation biogéographique remarquable (une ZNIEFF) permettant le développement de la chênaie verte, une formation localisée au niveau régional). Il offre en outre un intérêt touristique indéniable.

En 20 ans, on a observé une baisse de la surface agricole utilisée de 20% ; la friche, les bois et taillis prennent plus de place. Mais, en fait, c’est un point positif, la SAU moyenne avec une vingtaine d’hectares environ connaît une augmentation rien moins que significative (+ 38%, de 1979 à 1995). Avec les départs en ville et les successions familiales, des terres sont accessibles pour les exploitants qui restent. Pour les 18 exploitations les plus actives, on peut retenir la superficie moyenne de 34 hectares (dont une bonne partie boisée).

La viabilité des exploitations implique nécessairement la recherche de productions à forte valeur ajoutée, spécialisées, et d’une diversification qui constitue la première richesse de l’agriculture locale. Dans une telle situation, les jeunes sont retenus à la terre. A Saint Crépin-et-Carlucet le remplacement des générations d’agriculteurs se réalise, ce qui n’est plus le cas dans les communes alentour.

La géographie agricole de la commune nous place dans le système traditionnel de polyculture et élevage. Lait et tabac étaient les deux piliers de l’agriculture sarladaise. Mais les productions agricoles actuelles, liées au développement de filières (la noix, les palmipèdes gras, l’agrotourisme aussi), ne sont plus tout à fait celles de naguère. Le tabac n’occupe plus aucune place (plus de producteur contre 30 à 35 dans les années 85/90). « Quand on équipe des gîtes, on abandonne le tabac ». Les noix par contre ont été en plein essor : 24 hectares en 1988, 48 hectares en 2000 et bien plus maintenant  du fait des plantations encouragées. La noix du Périgord a obtenu le droit à l’AOC en 2001. L’activité de l’énoisage, pour les cerneaux, qui était dynamique sur la commune, se perd au profit d’un énoisage plus mécanisé.

La commune produit quelques céréales, surtout du maïs en grain. Cela tient plutôt à une tradition destinée à l’élevage de volailles et la production de bovins à viande (veaux en batterie). La génération des années 70-80 s’était généreusement adaptée aux formes modernes d’élevage : élevage intensif des veaux et poulets en batterie, des porcs aussi. D’ailleurs la majorité des productions hors-sol du Sarladais se concentrait sur le Salignacois, lequel est dénommé la « Petite Bretagne » !…

Des formes renouvelées d’élevage concernent les porcs, les poulets de chair et les canards gras. Deux exploitants de la partie occidentale de la commune ont fait le choix de produire des porcs en mettant l’accent sur la qualité (label rouge). Un autre exploitant a opté pour la production de poulets de batterie. Près des bâtiments de l’exploitation, celui-ci loue deux gîtes (avec piscine) durant la saison estivale.

A Saint Crépin, on ne compte qu’un seul exploitant producteur de canards gras (sur 25 producteurs fermiers du Salignacois). Il est passé d’un système « céréales, tabac, noix et moutons » à un autre conciliant « céréales, noix, gavages des canards gras (que des « Barbaries »), découpe et vente en frais ou en conserve sur les marchés, à la ferme, dans les boutiques de producteurs ou par correspondance, avec la location de gîtes de caractère ».

En résumé, la commune de Saint Crépin-et-Carlucet est originale à plus d’un titre. Dans un Périgord noir qui est en pleine mutation, le Salignacois est le district qui a le plus bougé en très peu de temps. Il est presque hors normes par rapport au reste du département. Il a le plus d’élevage hors sol ; mais il possède, sur le territoire de Saint Crépin, une des stations d’épuration les plus expérimentales (« très subventionnées ») et des plus novatrice « dans le respect strict des règles environnementales », ce qui apparaît nécessaire dans une commune qui a développé le tourisme plus qu’ailleurs.

La polyculture, c’est-à-dire la nécessite d’avoir toujours des compléments (soit d’activités, soit de ressources), a forgé des mentalités qui aujourd’hui s’adaptent ou se retrouvent fort bien dans une activité de pluriactivités. Chaque exploitation a sa formule ; il n’y plus un modèle unique généralisable à la commune mais plusieurs combinaisons.

On joue sur plusieurs tableaux, pas forcément pour une question de survie, mais pour se retrouver dans une situation plus confortable (pour notamment l’entretien de deux générations sur la ferme) et intégrant le travail féminin.

On perçoit l’importance des gîtes ruraux. La politique de la Chambre d’Agriculture a largement contribué à la rénovation de l’habitat d’exploitation non utilisé à des fins touristiques. Les gîtes ruraux sont en principe des maisons anciennes, en pierres de taille « couleur miel », à toiture de tuiles plates ou de lauzes. Les familles de Saint Crépin-et-Carlucet ont été sensibles à cette idée de conservation. On ne néglige pas l’apport du tourisme vert, car, en Sarladais, la saison touristique est assez longue, au moins 18 semaines et jusqu’à 30 semaines ou plus (avec les week-ends de hors saison, les congés scolaires de l’année entière). Un gîte de caractère peut rapporter de 7000 à 10000 euros ou plus en 20 ou 30 semaines. Certains exploitants ont 3, 4, 6 gîtes et jusqu’à 24 pour l’un d’eux (village de gîtes). Les gîtes sont souvent accompagnés de piscines. L’agrotourisme accompagne donc très étroitement l’évolution des activités agricoles. Il a d’abord connu un développement empirique (On n’a pas connu à Saint Crépin-et-Carlucet l’épisode de la vente de « ruines » rachetées par des étrangers, « hollandais » ou anglais, comme il y a eu dans les années 1970 sur la partie « caussenarde » du Salignacois (Borrèze, Nadaillac) ; puis une accélération s’est produite dans les années 80. On a joué ici la carte de la qualité (gîtes de caractère) et d’un certain professionnalisme de la part des agriculteurs ou de leurs épouses.

L’adduction d’eau (avec en plus le réseau d’eau agricole pour l’irrigation) ne s’est généralisée à l’ensemble de la commune qu’à partir de 1983. Auparavant, c’était l’éparpillement dans des hameaux isolés. Ce fut un facteur déclenchant ; et dès lors les équipements touristiques purent se multiplier et l’offre se diversifier ici ou là dans les hameaux : gîtes, chambres d’hôtes, meublés, campings à la ferme, ferme auberge, séjours à thème.

Au départ, l’agrotourisme se voulait être un « complément ». Désormais pour certaines exploitations il assure davantage que 50% des revenus. Pour les plus âgés des exploitants, déjà retraités, il procure assurément le plus gros des revenus.

C- Une commune rurale classée « touristique »

L’espace rural est devenu résidentiel autant qu’agricole. Nombre de maisons des champs sont parvenues par héritage à des citadins. Et après une période d’exode rural et d’urbanisation massive, les habitants des villes aiment à retrouver leurs racines villageoises et leurs identités perdues. Au cours de la dernière décennie les résidences secondaires se sont multipliées. En même temps des équipements touristiques importants s’érigent sur tout le territoire de la commune. Les nouveaux arrivants apportent une population vieillissante souvent, avec des revenus appréciables. L’espace habitable est modifié et a donné lieu à une nouvelle organisation sociale.

Les résidences secondaires, très nombreuses à Saint Crépin-et-Carlucet, sont l’expression de la double vie des citadins ; l’alternance de lieux et des saisons s’exprime, de nouvelles façons de vivre aussi. Les retraités ou les étrangers hésitent entre le travail et le loisir, entre le repos et le divertissement, entre belles et mauvaises saisons. Les propriétaires ne s’intéressent plus guère au côté champêtre, au travail agricole, comme il y a 40 ans, mais davantage au décor et au patrimoine local qui environnent leur résidence secondaire. Pour les ressortissants du Nord de la France, les Belges ou les « Hollandais », c’est la maison de campagne au soleil (environ 2000 heures d’ensoleillement dans le Sarladais).

Cette demeure est souvent désormais une construction neuve : on ne recherche pas systématiquement à se trouver isolé. Plusieurs lotissements de maisons récentes le confirment, créés sur les terrains vendus par des agriculteurs âgés (aux Gunies, aux Matroux, à Combas, au Pesquier, à Carlucet et au Bas-Poujol). Certes il y a un besoin de ruralité, « un coin au vert », mais c’est avant tout un port d’attache quand la mobilité des gens est généralisée, un pays d’adoption pour les déracinés. La résidence secondaire permet les retrouvailles de la famille, des grands-parents et des petits-enfants. Elle devient une institution familiale ; elle développe une sociabilité, pour constituer des réseaux entre amis. C’est la « case de passage ». Elle autorise aussi le rapprochement des modes de vie urbain et rural. Des liens se créent avec les gens du pays, avec de vrais rapports affectifs. Au total, en plein été, on peut estimer à 500 ou 600 les personnes occupant les résidences secondaires de la commune.

Bien sûr, les clôtures se sont multipliées ! Certains, « villageois installés depuis peu », voudraient que plus rien ne bouge après les changements qu’ils ont eux-mêmes provoqués, véritables intégristes du paysage. Quelques paroles entendues : « N’accorde-t-on pas trop facilement des permis de construire ? ». « Vraiment on ne fait rien pour la conservation des sites ! ». « Et puis n’y a-t-il pas trop de « touristes ? ».

De fait l’économie de Saint Crépin-et-Carlucet se confond avec celle de son tourisme. Agriculture et récréation sont imbriquées, bien au-delà du simple agrotourisme. Une nouvelle dimension du secteur touristique est atteinte après 1985-1990. La conjoncture du moment était favorable : population nouvelle, possesseurs de résidences secondaires, touristes de passage. C’est « le temps du retour » des émigrés issus de l’exode rural des générations précédentes et parvenus à l’âge de la retraite. A cela s’ajoute une clientèle potentielle, lassée des concentrations estivales des bords de la Méditerranée, ou bien des entassements plus proches des campings des vallées de la Dordogne et de la Vézère. Cette clientèle à saisir était en quête de verdure, de grands espaces, de nature préservée, de « campagnes authentiques et conviviales » ; elle souhaitait néanmoins rester à proximité de Sarlat, Lascaux ou Les Eyzies, Padirac et Rocamadour, hauts lieux touristiques de référence.

Dans cette ambiance générale d’ouverture et d’accueil, les loisirs doivent se diversifier : le séjour s’étale au-delà de l’été. L’activité touristique devient carrément marchande. Des exploitations agricoles s’y investissent de plus en plus et plusieurs agriculteurs ont d’ailleurs décidé d’abandonner le travail de la terre pour devenir des entrepreneurs touristiques à temps complet (un village de gîtes, un village de vacances, deux campings). Des néo-ruraux prennent aussi leur part, avec des chambres d’hôtes.

La commune est classée « touristique » depuis plusieurs années. Les retombées économiques sont évidentes tant d’un point de vue commerces qu’emplois. La perception des taxes de séjour contribue au budget communal pour la somme d’environ  18000 euros.

On constate la part prépondérante des campings avec plus de 76% de la clientèle. L’agrotourisme, développé en lui-même, ne compte que pour 8,4% environ. Encore qu’il faille signaler que plusieurs exploitants possèdent des gîtes dans les communes voisines (Proissans, Saint Geniès, Coly-Saint-Amand, Tamniès), qui ne sont pas décomptés ici. Les autres formules sont loin d’être négligeables avec 1,6%.

On découvre la grande diversité des formules d’hébergement proposées. La capacité d’accueil des deux campings est supérieure à 2000 personnes ; le village de vacances offre de la place pour 200 personnes, le village de gîtes pour 120, un grand gîte pour 25. Les gîtes ruraux globalement peuvent réceptionner 190 individus. Avec les chambres d’hôtes, le total de plus de 2500 lits est atteint. En été, on peut dire que la population de Saint Crépin-et-Carlucet égale celle d’une petite ville de trois mille habitants. Saint Crépin se transforme donc en une ville saisonnière, ou alternative, à flux renouvelés, ce que peu de monde réalise : Sur l’année entière, ce sont près de 100000 « touristes » qui utilisent les hébergements de Saint Crépin, une commune véritablement « vivante ».

La plupart des grands équipements touristiques essayent d’être autonomes. Des animations sont organisées sur place. Une restauration plus ou moins élaborée est proposée. Certains établissements ont épicerie, dépôt de pain et journaux. Le village de Saint Crépin-et-Carlucet, complètement démuni durant l’hiver, se couvre de services multiples durant la « saison ». Ainsi un village sans bar, ni épicerie, ni boucherie, ni boulangerie, -« sans rien » pourrait-on dire-, se dote-t-il pendant plusieurs mois de tout ce qui lui manque le restant de l’année. Beaucoup de ces services sont accessibles à la population locale et aux résidents secondaires toujours présents une grande partie de l’été. La commune a acheté une propriété pour en faire un centre-bourg mais la mise en place de services viables s’avère difficile.

Au total l’industrie du loisir présente sur la commune et qui s’est adaptée pour répondre aux attentes d’une clientèle exigeante pèse sur l’économie, la culture et la société villageoise de Saint Crépin-et-Carlucet. Même si les mentalités ont changé, certains estiment qu’il ne faut pas oublier la vocation agricole : Que le tourisme ne prenne pas le pas sur celui de l’agricole ! Il est pourtant un fait que l’arrivée massive des touristes entraîne la diversification des loisirs et l’étalement des activités au-delà de l’été. La nouvelle population résidente est composée de familles avec jeunes enfants ou de personnes vieillissantes. Et comme conséquence géographique d’importance on assiste à la modification de l’urbanisme et de l’espace de Saint Crépin. Un « centre ville » (dans un village de 520 habitants) émerge peu à peu … et le grand camping des Péneyrals prouve que les activités touristiques peuvent s’avérer structurantes. Le territoire acquiert une plus-value économique indéniablement. Le nombre des emplois sur place est maintenu ou amplifié. On a pu observer un accroissement et une rentabilisation des équipements collectifs : la nouvelle mairie, la nouvelle déchetterie, le nouveau stade, le restaurant scolaire, la nouvelle cour de l’école, le terrain multisports. Tout cela a un fort impact sur le corps social. Saint Crépin-et-Carlucet, dans le Salignacois et dans le Périgord noir, accroît sa notoriété et sa spécificité. La commune participe sans réticences au développement des programmes d’actions regroupant notamment les associations ou la communauté de communes du Pays de Fénelon en gestation.

Conclusion

Le village de Saint Crépin-et-Carlucet semble un bon exemple de « campagne vivante », en zone de faible densité rurale, au cœur du Périgord noir. Une campagne « où l’on vit et dont on vit ». Certains exploitants agricoles ou issus du monde paysan ont contribué à redynamiser le milieu. De nouvelles fonctions, résidentielles, récréatives ou touristiques, revitalisent ce bout de campagne, avec des forces largement endogènes.

D’un territoire villageois, « espace de vie homogène » à fondement agricole, on est passé à une « pratique de territoires dissociés » (village dortoir pour Sarlat et alentour, lieu de résidence secondaire (fins de semaine, vacances estivales ou scolaires), espace de loisirs et emprises touristiques spectaculaires). Ses paysages multiples consacrent un « lieu où il fait bon vivre », vivant et dynamique, attractif pour l’extérieur.

Mais pour autant toutes ces mutations n’ont pas forcément été intégrées ou acceptées par tous. Les représentations sociales restent bien différenciées. Des solidarités sont indispensables entre les diverses composantes d’une population renouvelée, sans faire fi d’une mémoire collective toujours prégnante et à la susceptibilité persistante sous l’angle des traditions.

Article réalisé et actualisé à partir du texte paru dans Bulletin municipal 2002 “Les habits neufs d’un village du Périgord noir : Saint Crépin-et-Carlucet » écrit par M. Guy Mainet – Maitre de conférence de géographie à l’université de Bordeaux III.

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